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Etude Psychanalytique de la Situation d'Examen


Les professeurs ne se sont-ils jamais demandé quel martyre certains de leurs élèves peuvent vivre quand il s'agit de passer des examens? Ils préjèrent, en général, d'oublier très vite cette situation désagréable et d'(ab)user à leur tour de leur prérogatives de professeur passé de l'autre côté de la barrière.Peut-être serait-il utile de leur rappeler, de temps en temps,comme c'était désagréable, du temps de leurs études, et de relativiser un peu l'importance de ce genre de rites de passages.

Les situations d'examens, bien que faisant partie de la vie quotidienne, sont néanmoins vécues comme des situations exceptionnelles par l'individu concerné. Personne ne peut rester indifférent vis-à-vis d'un examen à passer et on a assiste à une détérioration ou du moins à des changements importants dans la santé psychologique de centaines de milliers de gens subissant cette épreuve. En effet, au mieux, la personne examinée confiante dans ses capacités la considère comme une simple épreuve, un mauvais moment à passer. Au pire, un examen est vécu comme une crise, le moral des examinés se retrouve à un niveau très bas, tandis que le stress et l'anxiété augmentent de façon considérable.

Que peut-on observer, lors d'une telle situation ? Tout d'abord, on retrouve un état que l'on appelle activation. Les gens sont soudainement victimes de symptômes comme l'augmentation du rythme cardiaque. Après cette première réaction, vient la phase d'alarme qui amène les gens à vivre un certain degré de panique. Après ces premières réponses à la situation d'urgence, on voit d'habitude l'émergence de deux types de réactions qui guident la façon d'affronter la crise chez les gens: l'attaque ou la fuite (fight or flight), deux réactions opposées. Il s'agit de réactions biologiquement explicables par une montée de l'adrénaline qui représenterait la phase d'activation. Or, pendant un examen, le déplacement physique autorisant une fuite est interdit, et à fortiori une attaque de l'examinateur. Il y a donc accumulation d'adrénaline sans dépense physique, ce qui constitue un stress énorme sur l'organisme.


Comment le moral des gens peut-il évoluer, avant, pendant, et après cette situation de crise ?Tout d'abord, les gens sont dotés d'une grande énergie, des stratégie de survie pour la période critique sont mis en place et on se prépare activement à faire face à la situation. Des billets de train sont achetés, les enfants casés, l'employeur prévenu, les cours révises, les sandwiches pour les pauses organisés. On assiste à une grande camaraderie parmi les étudiants, pendant les cours et stages préparatoires. Les gens ont l'impression de contrôler les événements. Après cet essor d'énergie et de motivation, s'ensuit une période que l'on pourrait appeler la période d'attente. Comme tout est installé pour affronter la crise, les gens n'ont plus qu'à attendre le début de l'épreuve, quand les portes se ferment et les documents ne peuvent plus être consultés (au nom de quoi, on se le demande !). C'est à ce moment que le stress commence à se manifester vraiment, que la tension monte et que le moral tend vers le bas. Chez certains, des insomnies peuvent apparaître, des maladies psychosomatiques, voire des envies de suicide, surtout avant des épreuves aussi déterminantes pour l'avenir comme le baccalauréat ou certains concours. Quelques uns peuvent tellement craindre un échec éventuel, qu'ils vont provoquer une situation où ils ont une bonne excuse pour ne pas se présenter : une maladie ou un accident. Pour ceux qui persistent la lecture de la première question ou du premier problème peut alors être vécu comme un soulagement : Soit l'étudiant saura la réponse ce qui constitue la situation la plus agréable , soit il aura la confirmation que son angoisse était justifiée, ce qui donne aussi la satisfaction d'avoir eu raison. Dans tout les cas, le doute générateur d'angoisse aura disparu. L'étudiant connaît maintenant le visage du danger. À ce moment, une autre montée d'énergie s'opère chez certains de ces sinistrés que sont les gens soumis à une épreuve d'examen : Ils font face à l'épreuve, ils travaillent de façon cohérente. L'examen fini, une grande lassitude physique et psychique est tout à fait courante.


Les symptômes de la dernière étape se manifestent quelques temps après le retour à la normale, lorsque les gens ont repris le cours habituel de leur vie. Il s'agit de symptômes s'apparentant à l'état de stress post-traumatique. Les gens, sans comprendre pourquoi, commencent à se sentir fatigués, épuisés et faibles. L'impression d'être déconnecté de la réalité ou de ne pas trouver goût à la vie de tout les jours peut être associée à cette fatigue. Cette phase est une réaction normale à la grande quantité d'énergie dépensée et utilisée au début de la crise. Pour la plupart, ces effets diminueront et disparaîtront après quelques jours ou quelques semaines.


Pourquoi la situation d'examen est-elle vécue de façon aussi traumatisante ? Peut-être, la réponse se trouve dans la situation de régression totale , dans laquelle se trouvent les candidats. Il est primordial pour un candidat de prouver sa valeur sous peine être rejeté dans la catégorie des " ratés "( c.a.d. les non aimés). Ce qui est pervers dans cette situation est l'obligation de réussir, sans la possibilité de contrôler la situation. Ni le lieu d'examen , ni le choix des questions ni même la note finale ne dépendent du candidat. Comme un petit enfant il doit attendre, que quelqu'un veut bien lui dire quand commencer, quand arrêter et sur quoi écrire. Comme un petit enfant, il doit s'appliquer afin d'obtenir l'approbation de l'autorité (du père), comme un petit enfant, il doit rester sagement à sa place et ne pas parler aux autres, et comme un petit enfant, il n'a pas le droit de tricher.


Mais qu'est-ce qu'on appelle " tricher ", ici ? Le simple fait de consulter un document, tâche couramment exécutée dans la vie d'un adulte professionnel, est considérée comme une grave entrave au règlement méritant une sanction sévère. Dans la " vraie vie ", d'un adulte devant accomplir un travail, la documentation répété et fouillée, la recherche continuelle sont des préalables à la réussite. Quand une publication scientifique est écrite, elle l'est avec les documents à côté, car c'est la garantie de l'exactitude d'un travail, des citations justes, des données précises. La valeur du travail réside alors dans son originalité ou son esprit synthétique ou bien analytique, dans l'intérêt général de nouveaux faits relatés, dans une vision particulière, et non pas dans un apprentissage par coeur. Quand un professeur tient son cours, ce sont ses qualités didactiques qui priment, sa manière de synthétiser des données pour qu'elle deviennent compréhensibles, et la présence ou absence de documents à consulter n'a pas d'importance. Même un politique tenant un discours peut se servir de ses notes. Alors, pourquoi généraliser une situation artificielle et éloigné de la vie réelle comme ces examens? Est-ce comme cela qu'on pourra choisir de bons professionnels ?


Je soupçonne les examinateurs et organisateurs d'examens de vouloir perpétuer sans critique une situation très paternaliste. De l'enfant examiné qu'ils ont tous été, ils ont franchi l'étape où ils représentent, enfin, le père, l'autorité (qui les a tant fait souffrir , il n'y a pas si longtemps). Alors, maintenant, qu'ils peuvent jouir de l'autre côté de la barrière, pourquoi tout chambouler ? Après tout, ils ont bien passé ce rite de pasage constitué par un examen.


Mais, on ne peut pas leur en vouloir. Ils ont accédé à cette place grâce à de longs efforts et dans le cadre d'une stratégie individuelle adaptative. Après tout, ils vivent en France, dans un pays à élites très hiérarchisées, où l'on ne parle pas de consensus, mais de structure, où l'on ne parle pas de projet professionnel mais de concours d'entrée, où l'on préfère toujours la voie hiérarchique ( chacun à sa place) à l'initiative. On ne peut pas leur en vouloir de ne pas penser à changer leur monde, ce serait une tâche qui dépasse l'individu. Alors, restons avec ce mode de fonctionnement paternaliste et jouons le jeu !

Nota bene :Ces quelques petites piques contre le système illustrent bien une des voies possibles dans l'affrontement d'une crise, l'alternative fight or flight. A force de décrire une situation d'examen, j'ai revécu les sensations ressenties durant une telle situation. Chez moi, c'est plutôt l'attitude combative qui prévaut . Dans le cas d'un candidat masculin, on pourrait invoquer le concept freudien du complexe d'œdipe, où l'autorité du père est défiée à cause de la rivalité père-fils, qui a son origine dans l'amour partagée pour la mère et qui peut devenir une pulsion parricide (désir de castration du père). Mais que dire dans les cas, où l'autorité paternaliste est défiée par" le deuxième sexe "( comme disait Simone de Bauvoir) ? Faut-il chercher une explication plutôt dans les théories interpersonnelles des écoles américaines ? Même si la psychanalyse américaine a conservé aux yeux de plusieurs étrangers l'image d'une pensée dominée par la psychologie du moi telle qu'elle le fut au cours des années cinquante, elle est actuellement principalement associée aux diverses approches plaçant l'aspect interpersonnel à l'avant-plan.

 

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