Peut-on parler "d'Expositions Impressionnistes"?


Tout le monde parle des huit " expositions impressionnistes ". Mais peut-on appliquer ce terme réellement à ces manifestations? Le mouvement de l' Impressionnisme a-t-il vraiment existé? Qu'est-ce qui a ammené ces peintres à exposer ensemble? En fait, ces " expositions impressionnistes " se sont tenues en réaction contre les critères très conservatifs des académiciens et ont regroupé des tableaux variés, très éloignés de l'uniformité qu'on pourrait imaginer

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Le mouvement Impressionniste

C'est au titre d'un tableau de Claude Monet, Impression soleil levant (1872), que l'impressionnisme doit son nom. En mai 1874 se tint dans les ateliers du photographe Nadar une exposition de jeunes peintres indépendants, parmi lesquels figuraient Claude Monet, Paul Cézanne, Pierre-Auguste Renoir et Alfred Sisley. Ayant en commun une même recherche picturale, le rendu du plein-air et des effets de lumière, ils s'étaient constitués en société anonyme pour faire face à leur exclusion constante du Salon officiel. La manifestation fit scandale et les critiques trouvèrent dans "les plus absurdes croûtes de ces peintres", semblant "avoir déclaré la guerre à la beauté", l'occasion de manifester leurs railleries et leur mépris. Ce fut ainsi que le journaliste Louis Leroy, tournant en dérision le tableau de Monet, s'exclama: "impression…! J'en étais sûr…!puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression là-dedans!…". Le terme était né, et accepté d'emblée par les artistes eux-mêmes et leur petit cercle d'amateurs (parmi lesquels des critiques d'avant-garde et - heureusement pour les peintres - le marchand Durand-Ruel). Malgré la persistance des attaques malveillantes et des querelles esthétiques internes au groupe, sept autres expositions s'organisèrent dès lors sous ce vocable, dont la dernière eut lieu en 1886.

Ces huit manifestations ne définissent cependant l'impressionnisme qu'historiquement, car c'est dès le début des années 1860 que le terme "impression" apparut au centre de toutes les conversations des jeunes peintres qui se retrouvaient, autour d'Édouard Manet, dans les cafés parisiens. Sans théorie esthétique véritable, ces artistes travaillaient à une nouvelle manière de peindre, liée à une nouvelle manière de voir, et née de la sensation immédiate. La vision en plein-air, sans cesse renouvelée par les variations de la lumière, l'impression fugitive à saisir étaient déjà pour eux le véritable sujet à peindre. À cet effet, ils s'inspiraient des œuvres de Courbet et de Manet, dont les thèmes empruntés à la vie quotidienne leur ouvraient la voie. Il s'agissait pour eux de capter instantanément ce qu'ils voyaient : ils définirent peu à peu l'espace par la décomposition des tons, la fragmentation des touches suggérant formes et volumes en brisant les lignes du dessin.


Egalement d'une importance capitale pour la génèse du mouvement impressionniste, furent les théories de Chevreul (1839) sur le cercle chromatique et le mélange optique. Ainsi, ils utilisèrent surtout les couleurs primaires (rouge, bleu et jaune) et leurs complémentaires (orangé, violet et vert) dont la juxtaposition sur la toile permet de rendre toutes les vibrations de l'atmosphère sans jamais ternir les teintes.


L'Ecole de Barbizon fut une autre source d'inspiration. Cette école fut constituée d'un groupe de peintres français qui travailla à Barbizon, en lisière de la forêt de Fontainebleau, entre 1840 et 1870, et qui se rendit célèbre par sa conception novatrice de la peinture de plein air. En effet, ces peintres commencèrent leur peintures dehors pour ensuite seulement le terminer en atelier. Pour eux, le paysage représentait un sujet à part entière. Unis dans leur opposition aux conventions picturales classiques idéalisées par la très conservatrice Académie des Beaux-Arts, ils s'inspirèrent du courant anglais contemporain de la peinture de paysages, notamment des œuvres de John Constable et de Richard Parkes Bonington, mais également des paysagistes hollandais du XVIIe siècle. Ainsi, par l'importance qu'ils attachaient au naturel et à la simplicité, de même que par l'usage de couleurs fraîches appliquées, dès 1855, par fines hachures juxtaposées pour augmenter la lumière, ils jouèrent un rôle fondamental dans le développement de l'impressionnisme.


Avant 1874, il y avait donc de nombreuses œuvres déjà peintes à la manière " impressionniste ", sans que ce terme soit toutefois appliqué.- notamment les toiles peintes à la Grenouillère en 1869 par Renoir et Monet. Et lorsque Pissarro et Monet, fuyant la France en guerre, se réfugièrent à Londres et purent admirer les peintures de Turner et de Constable, cette découverte ne fut que le "révélateur" d'un style déjà largement élaboré.


Les expositions " impressionistes "


C'est en réaction contre les critères d'admission trop rigides des académiciens, que des expositions alternatives furent organisées.


L'Institut de France fut créé en 1795 par la Convention; il regroupe à l'origine trois classes distinctes : la première est consacrée aux mathématiques et aux sciences physiques, la deuxième aux sciences morales et politiques et la troisième à la littérature et aux beaux-arts. La forme actuelle de l'Institut lui fut donnée par une ordonnance royale de 1832, qui le structura en cinq académies L'Académie des beaux-arts est née en 1816 de la réunion de l'Académie de peinture et sculpture, fondée par Mazarin en 1648, et de l'Académie d'architecure, fondée par Colbert en 1671. Elle compte environ cinquante membres répartis en sept sections : peinture, sculpture, architecture, gravure, musique, cinéma et audiovisuel et section des membres libres. Elle compte également quinze membres associés étrangers et cinquante correspondants. L'Académie des Beaux-Arts a la tutelle de l'Académie de France à Rome, la Villa Medicis .
Les premières expositions publiques des productions académiques se sont organisées à partir de 1667 .Baptisées "Salons ", elles deviennent très importantes en taille et en renommée. Mais, jusqu'à la Révolution française, le Salon est un des monopoles de l'Académie. Après un bref interlude démocratique dû à la Révolution, où le droit d'exposer est érigé en principe pour tous, les jurys d'admission redeviennent très sélectifs, (jusqu'à nos jours, d'ailleurs ! ). La remise en cause du salon comme instance de légitimation s'élabore lentement dans la seconde moitié du XIXe siècle, car sans expositions, les artistes n'ont ni des clients ni de commandes. Les commandes et récompenses officielles y jouent un rôle décisif, puisqu'elles cautionnaient, et cautionnent toujours, pour la plupart des collectionneurs privés la valeur des artistes.


C'est dans un décor de pénurie, d'obscurité et de frustration grandissante que les artistes, dont les œuvres furent rejetées par le jury d'admission, concevaient l'idée d'une exposition groupée, afin de porter leurs œuvres à l'attention du public et des acheteurs. Des jeunes artistes, parmi lesquels les futurs " Impressionnistes "décidèrent alors de fonder la Société Anonyme des Artistes Peintres, Sculpteurs, Graveurs, etc , afin de promouvoir des expositions indépendantes. Bazille, Félix, Bracquemond Cézanne, Fantin, Dégas, Guillaumin, Guillemet, Monet, Morisot, Pisarro, Renoir et Sisley en faisaient partie. La première de ces expositions se déroula dans les locaux du photographe Nadar et fut organisée par Pissarro, Monet, Renoir et Degas. Une cinquantaine d'artistes au style très varié participaient à cette première exposition " impressionniste " et aux sept suivantes, mais la plupart n'exposaient qu'une seule fois. Seul Pissarro présenta des tableaux à chacune d'elles.

Peut-on classer dans la même catégorie les touches fractionnées et appliquées avec l'incessante juxtaposition des couleurs complémentaires de Monet et les touches presque rectangulaires appliquées souvent en biais et préfigurant l'abstraction de Cézanne ? D'autres peintres, comme Degas, ne se sentaient pas concernés par le terme " Impressionnisme ", préférant, de toute façon, la peinture d'atelier. Quant à Manet, considéré comme chef de file des impressionnistes, il refusa d'exposer avec eux : découragé par 10 ans de critiques et de rejets, il ne voulait plus exposer son œuvre aux sarcasmes d'un public incompréhensif. La première exposition, qui se tint à Paris chez le photographe Nadar, se solda par un échec financier et fut qualifiée par les critiques d'indécente " saleté ". Mais elle marqua néanmoins le premier pas d'une révolution artistique qui allait bientôt transformer le monde de l'art français. Au début des années 1880, de nouvelles recherches esthétiques se développèrent, certes, issues de l'impressionnisme, mais souvent en réaction contre lui.


On peut donc dire que les expositions dites " impressionnistes " regroupaient des artistes très différents au style tantôt réaliste, tantôt impressionniste, tantôt très individuel et inclassable. En plus, ce que nous qualifions d'impressionnisme aujourd'hui existait bien avant l'emploi de ce terme. Ainsi, parler d "expositions impressionnistes " me paraît trop simple pour catégoriser l'ensemble des peintres exposant, lors de ces huit manifestations.
L'impressionnisme désigne, par ailleurs, moins une école à proprement parler qu'une tendance qui entraîna derrière elle toute une génération d'artistes. Sans l'impressionnisme qui déstabilisa la tradition de la peinture, les révolutions stylistiques du début du XXe siècle n'auraient pas été possibles.

 

 

 

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